Club Mousquetaire

Histoires de mer et de bateaux

Faut vous dire que depuis plus de quinze ans il est de tradition, avec le Tonton Billo et quelques potes, de faire, chaque année, une petite croisière gastronomico-œnologique à bord du fantastique Karek, merveilleux petit bateau qui, malgré ses 6,50m. En remontre à plus d'un 28 pieds … ah mais !.

Or donc, par un beau matin de ce beau mois de juillet 1996, en compagnie de l'ami Jacquot ( l'accordéoniste-cuisinier dont auquel on vous en cause dans les recettes … ) nous v'la partis, comme de juste jusqu'à Intermarché ( pour un Mousquetaire, ça s'impose ) et ce pour l'une des plus importantes étapes de notre navigation : l'avitaillement.
Premier arrêt : le rayon des vins …
« Faut compter deux bouteilles par jour et par personne » que je dis-je, péremptoire.
« Plus la main courante… » rajoute Billo. Faut dire que l'ami Billo a, il y a quelques années, participé à la transat des Alizés sous l'autorité d'un skipper rat comme pas permis, du genre une boite de sardine pour six, et que depuis; le Billo, il est complètement traumatisé et il a toujours peur de manquer, le pôvre … remarquez que, quand on part ensemble, y a vraiment rien à craindre de ce côté là.
Bon, donc, on se met deux-trois bouteilles en plus pour la main courante, et une ou deux pour la soif.
Et puis deux-trois autres, un peu mieux, pour améliorer l'ordinaire

Et nous voilà partis vers le rayon boucherie…
« Faut prendre des trucs qui se gardent » dit Jacquot, qui s'y connaît vu que la bouffe c'est son métier.
« Et si on se prenait une super côte de bœuf ? «
« ah ben ça, c'est une idée qu'elle est bonne »
Et de remplir de diverses denrées carnées le second caddie que pousse d'une main ferme notre cambusier Billo ( Ben, évidemment, le premier est déjà plein : bouteilles, bouteilles, quelques bouteilles, et les légumes frais, les fruits secs, les gâteaux, le papier cul et le sopalin, le papier à lettres, les stylos, les conserves, le sel, le beurre, le poivre, le vinaigre balsamique, les sardines au piment, l'huile d'olive extrasuper vierge pressée à froid … et j'en oublie sûrement.)
Une fois tout ça fait et bien fait, direction le port de Dinan où nous attend Karek.

Je vous passe les détails de la traversée vers Jersey, l'envasement dans la Rance à cause de Billo voulait à la fois barrer et prendre des photos tout en se demandant bien pourquoi ces cons-là y-z-avaient plantés tout plein de bâtons rouges et verts, rien que pour faire achier l'pauv'marin
Je vous raconte pas non plus la descente de la Rance de nuit, faut pas l'dire parce que c'est interdit de naviguer sur la Rance de nuit, mais vu qu'on avait passé quatre heures dans la vase à attendre que ça veuille bien remonter, fallait bien rattraper le temps perdu, et, avec notre splendide lampe torche au krypton hallucinogène qui éclairait jusqu'à très loin grâce à la provision de piles qu'on avait achetée en prévision, on arrivait même à distinguer certaines balises du chenal qui ne sont pourtant pas prévues pour qu'on les voit la nuit attendu que, comme je vous l'ai dit plus haut, il est rigoureusement interdit de se trouver là à ce moment là. Bref
Je vous raconte pas non plus l'accueil à l'écluse, le père Billo qui me lâche l'aussière originairement destinée à nous retenir le long de l'écluse et qui ensuite, au péril de sa vie ( Billo, pas l'aussière ) doit escalader l'échelle glissante et moussue pour réveiller l'éclusier qui, à cette heure tardive, a bien autre chose à foutre que de sasser un petit voilier, que quand il est en bas, le mat il dépasse même pas du quai, et qu'il aurait bien pu attendre le jour.

Bon, alors, ET CETTE COTE DE BŒUF !!!!

Donc… quelques jours passent, et par un beau matin, dans St Peter's Port.

« Tiens donc, si on allait se faire une petite bouffe dans un petit mouillage sympa, genre vers Saint Aubin ? »
Et nous voilà donc partis vers ce mouillage paradisiaque quoiqu'un peu frisquet que nous découvrons vers les deux heures de l'après-midi.
Nous frottant les mains de contentement, nous prenons un petit apéro histoire de se mettre en appétit et nous décidons de nous mitonner cette fameuse côte de bœuf qui nous fait saliver depuis Saint Malo.

« Dis Jacquot, où t'as mis la côte de bœuf ? »
« Ben, elle doit être dans l'équipet à frais » ( L'équipet à frais, c'est celui dans lequel on met la bouffe qui craint, qui craint moins là parce que cet équipet-là est situé sous la flottaison… je dis ça pour ceux d'entre vous qui ne sont pas marins, personne n'est parfait.)
Et que je te retourne l'équipet à frais … pas de côte de bœuf !
Moi, en bon capitaine, sur de lui et fier de l'être, j'ajoute d'un ton définitif :
« elle est au fond, avec le rôti de porc … » Entre parenthèses, le rôti de porc, il commençait à prendre des couleurs vachement fun, genre combinaison de surf, qui, bien qu'elles ne manquassent pas de charme, nous laissaient quelque peu sceptiques sur l'avenir du dit rôti ( enfin, les crabes, ils ont aimé … )

Après avoir retourné le bateau de fond en comble, soulevé les bannettes et déplié les voiles, bu un coup pour se donner du cœur à l'ouvrage, visité les coffres tels de téméraires spéléologues, hurlé, tempêté, soufflé, soupiré, hurlé, nous dûmes bien nous rendre à l'atroce et implacable évidence :

Cette putain de côte de bœuf !!! NOUS NE L'AVIONS JAMAIS ACHETEE !!!

Et on a bouffé du cassoulet !
En boite …

Mais le Bordeaux était plutôt pas mal

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